De la
liberté d’expression… en ligne !
En 2011
au moment du scandale DSK qui fut également une énorme déception pour toutes
celles et ceux qui croyaient sans rire avoir trouvé le candidat idéal, j’ai
commencé à avoir envie de m’exprimer ici et là, chaque fois que je rencontrais
une information intéressante, ou que je trouvais mal fondée, et j’imaginais ce
faisant participer au débat « démocratique ».
Je me
suis très vite aperçue d’une part que peu de mes commentaires « passaient »,
d’autre part que lorsqu’ils étaient publiés cela me valait assez souvent des
réponses extrêmement agressives de la part de contributeurs qui manifestement
se sentaient plus « légitimes » que moi pour s’exprimer à tort et à
travers, comme j’osais le faire.
J’étais
frustrée et j’ai alors créé ce blog, tout en en limitant d'abord l’accès, parce
que j’avais alors réellement besoin de répondre à certains articles de presse,
de réagir, mais je souhaitais approfondir les choses de façon plus intime. Le
choc avait été trop grand et mon entourage ne me permettait pas non plus de « creuser »
les problèmes divers que cette espèce de tsunami soulevait pour moi. De plus j’avais
besoin de dialoguer directement avec tous ceux qui ayant une tribune sur l’internet
se permettaient de dire tout et n’importe quoi sur des faits dont nous ne
saurons jamais grand’chose. Et je le faisais sous forme de monologues.
En fait la fréquentation même fortuite du blog a tout de même pas mal bridé mes élans, et j'ai eu la plupart du temps recours à des prises de notes strictement confidentielles.
Mais l’impression
première que m’avait donnée cette gifle venant régulièrement de la part de tous
ceux qui, « habitués » d’un site, s’estiment investis d’un droit d’expression
qu’ils vous refusent tout de go dès vos premiers posts, n’a hélas pas été
démentie depuis.
Et
curieusement c’est sur les sites qui prônent le plus haut et fort la liberté d’expression,
la tolérance, que cette violence est la plus remarquable. Et que ces réflexe du
type « on est chez nous » ou carrément « fous le camp d’ici, on
est entre nous », riverains d’ici et là, est le plus systématique.
Je me
souviens aussi avoir reçu un « avertissement » de la modération d’un
certain site d’information, parce que j’avais vertement réagi aux propos limite
anti-sémites qu’une chroniqueuse tenait contre Stéphane Hessel au moment de sa
mort. Je m’étais aussitôt désabonnée et j’avoue que je n’y retourne pratiquement
plus. Mais je regrette aujourd’hui d’être partie. J’ai compris qu’il suffit que
quelqu’un vous signale à la modération pour que celle-ci se croie obligée d’intervenir,
et que la suppression de votre post est le premier geste d’apaisement :
tout le monde doit trouver « son compte ». J’ai compris aussi l’importance
de manifester sa présence et de soutenir ses opinions ou même ses sentiments,
face à tant d’intolérance et surtout de manichéisme. Aujourd’hui je veux que les gens s’habituent
au fait que si la mort de Stéphane Hessel ne m’inspire que du respect, ce n’est
pas pour autant que je ne condamne pas les exactions israëliennes à Gaza. Et
que cela étant je condamne aussi bien l’attitude cynique et morbide du Hamas
qui les encourage.
J’entends
déjà les claviers grincer pendant que j’écris ces quelques lignes.
Les
premières stupeurs passées – j’avoue que naïvement je ne m’attendais pas du
tout à ça – je suis revenue ici et là mettre mon grain de sel. Sur certains
sites comme ici on me fiche presque toujours une paix royale maintenant, et
puis je sais d’où ça vient comme on dit, et j’en ai profité pour être parfois
un brin agressive à mon tour, ce qui est d’ailleurs parfois inévitable quand on
réagit à certains propos. Et c’est aussi dans ma nature, malgré moi, je l’avoue,
d’argumenter férocement parce que j’ai à cœur de défendre, avant tout, ma
propre liberté de penser avec celle des autres, et de l’exprimer. Il m’arrive
de comprendre parfaitement les réactions de personnes dont je ne partage pas du
tout les convictions (on finit par les reconnaître, comme je suppose qu’on
finit par être reconnu, étiqueté), et avoir une opinion proche de celles-ci ne
me gêne pas : je ne suis pas du genre à définir d’abord qui sont mes
ennemis, pour me positionner systématiquement contre, quoiqu’il se passe et
quels que soient les faits.
Je ne
pense pas être la seule personne à être ainsi, mais une des rares à « m’accrocher »
malgré tout, à prendre des gifles et des coups de poing dans la figure, et à
revenir de temps à autre, et ce sur différents sites avec parfois mais pas
toujours des pseudos différents. Mais toujours le même positionnement, qui
passe difficilement partout.
J’ai été
bouleversée comme tous par les attentats et le premier contre Charlie Hebdo m’a
littéralement retournée : j’ai compris que ce combat que j’ai toujours
mené, dans ma vie professionnelle, dans ma vie privée, et aujourd’hui sur l’internet
aussi, au risque d’être isolée ou « cataloguée » parce que n’étant
jamais inconditionnellement d’un bord ou de l’autre, était le combat de toute
une génération et davantage. Une génération d’abord, car nous étions à quelques
années près de celles et ceux qui avaient connu la libération des mœurs avec la
pilule, sans le SIDA, le plein emploi et la surconsommation, enfants gâtés
pourris issus des « trente glorieuses » comme les appellent les
économistes sans se soucier de la fâcheuse confusion que pourraient faire nos
écoliers avec les « trois » glorieuses de juillet 1830, 800 morts
tombés dans l’oubli. Une génération de retraités, toujours gâtés, qui déplorons
le sort qui est fait à notre jeunesse, mais aurions du mal à renoncer à nos
propres « acquis ». Une génération qui avait pris l’habitude de s’exprimer
sans réticences, sans y être invités, avec insolence et irrévérence, c’était le
bon ton.
Se
prendre au sérieux est si ridicule. La dérision est l’arme absolue contre la çonnerie
humaine qui n’a, elle, aucune limite.
Et c’est
bien cela, notre ennemi d’aujourd’hui. La tâche est incommensurable, la mission
quasi-impossible : entre les ignorants et ceux qui croient savoir, à la
limite autant préférer les ignorants, ils ont au moins quelques excuses, et
nous sommes toujours peu ou prou partie intégrante de cette ignorance générale,
puisque nous n’apprenons que ce que l’on veut bien nous laisser apprendre. La
multiplication des moyens de communication a rendu les choses encore plus
difficiles.
Alors,
imaginer des moyens à grande échelle, pour apporter des remèdes à coups de
subventions qui donneront bonne conscience à l’Etat, c’est toujours un premier
réflexe.
Pourtant
nous l’avons vu : c’est de chacun de nous, de l’attitude de chacun de nous
à son échelle dans sa vie quotidienne, et pas autrement, que le salut viendra. C’est
l’addition de tous nos comportements et convictions qui nous a tous jetés dans
la rue le 11 janvier.
La
morale, la tolérance, les belles paroles, ça sert à quoi, si dans le fond tu
détestes celui qui n’est pas tout à fait comme toi, qui ne pense pas tout à fait comme toi, ou que
tu soupçonnes de ne pas penser « aussi bien » que toi. Oui, la « bien-pensance »,
devenue le leitmotiv pour pauvres cervelles séduites par certains extrêmes,
fait parfois plus de mal qu’elle n’aide à réparer ou à combler nos failles.
Quand elle creuse le fossé volontairement, presque par sectarisme, en prenant
paradoxalement parti pour telle ou telle masse populaire qu’elle est parfois
tellement loin de comprendre, elle me débecte moi aussi. Le « vivre-ensemble »
commence là, à savoir écouter l’autre, l’imbécile, celui que vous méprisez
tant, et qui vous donne un tel sentiment d’être si supérieur ! Si l’on n’arrive
pas à dépasser cela alors que nos « armes » sont seulement des
claviers d’ordinateur et virtuels, alors inutile de chercher à inventer quoi
que ce soit, à subventionner Pierre ou Paul pour telles ou telles actions.
La
solution est dans les gens, à l’intérieur d’eux-mêmes, dans leurs
comportements. Chacun doit se sentir responsable. Chacun. Sans exception.
Chacun doit être considéré comme un être responsable. Quel que soit son âge, sa
nationalité, sa confession, son « origine ». Il y en a assez des postures de
bien-pensants, il y en a assez des postures de victimes, il n’y a que des gens
responsables à part entière de leur destin. Qu’on ne vienne pas dire ceci,
cela, l’enfance difficile, l’histoire collective, patin, couffin… On n’en
finira jamais comme ça. Il n’y a pas d’un côté les gens qui savent penser et
qui ont la solution à tout, et de l’autre des non-responsables ou
irresponsables, excusés d’avance, parce qu’on leur doit tant : à part cet
abject sentiment de supériorité, je ne vois pas ce qu’on doit de plus et à qui,
sinon le respect que chacun doit à soi-même et par conséquent à tous.